La première fois que j’ai entendu l’expression « les autres ne sont pas assez intelligents », elle provenait de ma bouche.
Mes parents me racontent qu’en classe de maternelle, je leur aurais confié que je ne voulais pas jouer avec les autres enfants… car ils n’étaient que des bébés.
Bien plus tard, engoncé dans le canapé de ma psychologue, j’ai reformulé cette pensée en avouant que « je trouvais la plupart des gens médiocres ».
Cette phrase paraît hautaine dite ainsi.
Mais elle cache une réalité plus complexe.
Laisse-moi te raconter ce moment clé, où tout a basculé.
C’était au cours d’une séance de mon groupe de parole consacré au HPI.
Lorsque l’un des participants a prononcé : « la plupart des gens m’ennuient »…
Je me suis tout de suite reconnu.
Une frustration immense, quand on me demande de répéter les choses.
Une exaspération viscérale lorsqu’un concept, qui s’avère pour moi évident, nécessite des explications approfondies pour les autres.
J’ai toujours été en décalage.
Pourquoi les gens ne perçoivent-ils pas ce qui me saute aux yeux ?
Mon cerveau fonctionne à la vitesse d’une super machine à penser.
Je dévore les sujets qui m’intéressent avec voracité.
Actuellement, c’est l’Histoire de l’Art qui me captive.
Je parcours les 800 pages d’Ernst Gombrich, comme d’autres engloutiraient une série Netflix.
Mais le revers de la médaille, c’est que mon intérêt s’évapore aussi vite qu’il est apparu.
Mon troisième livre en est l’illustration parfaite.
Je me suis lancé le défi de l’écrire, le publier et le relier en sept jours.
Ce n’était pas un défi lancé à la légère.
J’avais la certitude d’en être capable.
Cela me rappelle ma coach qui avait rédigé son septième ouvrage en cinq jours.
Lors d’une séance de dédicace, elle m’avait confié ceci : « Je me connais parfaitement. J’ai tout le plan et les idées dans ma tête. Mon cerveau carbure à mille à l’heure, et je sais que je suis capable de délivrer ».
Sa phrase est devenue mon mantra.
Vu de l’extérieur, ça peut sembler facile.
Les personnes qui me côtoient pensent que je suis méthodique, organisé et discipliné.
Ils admirent les résultats, mais ne se doutent pas du chaos qui les précède.
Ceux qui me connaissent vraiment savent que le minuteur et les listes de rappels ont longtemps été mes indispensables.
La moindre tâche représente un gouffre de souffrance.
Je dois la décomposer en sous-étapes, puis subdiviser ces sous-étapes en actions encore plus petites.
Mes relations sociales suivent un schéma identique.
Quand je rencontre quelqu’un qui éveille mon intérêt, je veux tout savoir de cette personne.
Je questionne, j’analyse, j’approfondis les sujets les plus intimes.
Ensuite vient l’étape de classification.
Chaque individu est catégorisé dans une section précise de mon cerveau…
Et lorsque mon stimulus intellectuel se manifeste sur un sujet spécifique, je la recontacte, avant de m’éclipser tout aussi rapidement.
On pourrait me juger inconstant ou superficiel…
Mais ce n’est pas le cas.
Dans l’environnement professionnel, la situation se complique davantage.
La moindre contrariété peut déclencher une tempête émotionnelle.
Toute remarque ou critique peut se traduire par une crise de larmes incontrôlable, ou par un déferlement de violence verbale, parfois même physique.
Un paradoxe douloureux.
D’une part, les autres ne suscitent pas mon intérêt…
D’autre part, je ne comprends pas pourquoi je ne suis pas capable de m’adapter comme eux.
La vie paraît si fluide… pour les autres.
Ils avancent sur un chemin balisé, tandis que je me débats dans ce labyrinthe aux parois invisibles.
Il m’arrive encore de m’isoler pour retrouver ma stabilité.
C’est avec le temps, et grâce aux témoignages d’autres personnes HPI, que j’ai réussi à décrypter mon propre fonctionnement.
Ni meilleur, ni pire : juste différent.
J’ai assimilé des techniques pour gérer ce flux de pensées et d’émotions.
La visualisation pleine conscience, la méditation et les exercices de respiration sont autant d’outils qui m’aident à prévenir une crise, ou à l’apaiser lorsqu’elle survient.
J’ai appris à identifier les signes précurseurs et à canaliser ce torrent émotionnel, avant qu’il ne déborde.
Le fait d’apposer un terme a été libérateur.
Toutefois, on ne définit pas un individu avec une étiquette.
Le HPI n’explique pas tout.
Il n’excuse pas tout non plus.
Le véritable travail d’introspection ne se limite pas à faire remonter les blessures de l’enfance.
Il passe aussi par l’apprentissage de son propre mode de fonctionnement.
Le HPI réfléchit trop, pense trop, ressent trop.
Il prend ses émotions à lui, mais surtout celles des autres, de manière amplifiée.
Imagine vivre avec le volume sonore et la luminosité au maximum, sans pouvoir en atténuer l’intensité.
Pendant de longues années, je me suis abrité derrière le masque d’une personne imbu d’elle-même.
Une façade pour me protéger d’un monde trop bruyant, trop rapide, trop intense.